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Ronny Someck - his poetry

 

 

Poems

 

 

Ces jours-ci, la France lit de la poésie

Bruno Doucey lit quelques poèmes extraits du recueil 'Le piano ardent' de Ronny Someck entre autres

Pascale Goëta lit les poèmes:

 

 

Other poems

 

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Rapport imaginaire de la Commission des libérations de la prison de la Santé à Paris

Que ferez-vous après la sortie? demanda-t-on au prisonnier Jean-Paul Sartre
accusé d'avoir jeté des pierres sur les lampadaires du Boulevard Saint-Germain.
Je m’amériorerai, a-t-il répondu. Le matin je distribuerai des bouteilles de lait
dans les cités, à midi je déposerai des tranches de pain sur les tréteaux
des soupes populaires de Belleville, et le soir je reviendrai caresser le visage de Simone de Beauvoir.
Et ensuite?
Je vagabonderai entre son visage et son cou,
Et de là je descendrai
vers son ventre, je retirerai l’élastique de sa culotte.
De mes dix doigts je l'attacherai aux extrémités de la fronde,
et avec des cailloux
je frapperai à nouveau la lumière
aux yeux des réverbères.

N.B
Je pourrais un instant effacer le nom de Jean-Paul
et écrire mon nom à sa place
et dire à la Commission des libérations
que ma fronde projette une écriture secrète,
que les lampadaires sont les yeux des nuages
et que les culottes des filles n'ont plus d'élastique,
mais je savais que je n'avais pas assez de muscles
pour soulever les poids du mensonge
qui étrangle ma bouche.

Traduit par Michel Eckhard Elial

 

 

 

Neuvième conseil pour une enfant qui danse

Les chaussons de danse sont à l’ancre sous ton lit
comme des bateaux en papier dans le bassin du cœur.
Dessine-leur
la mer.

Traduit par Michel Eckhard Elial

 

 

 

Pourquoi je ne suis pas photographe

A la mémoire de Mika Kirshner

Si je photographiais un visage, je ne lâcherais pas
Jusqu'à ce qu'il aveugle comme un phare de Jeep
l'oeil des renards.
En tant que photographe militaire, je tomberais amoureux
d'une pancarte accroché à la porte du camp et du point d'exclamation
qui suit les mots : Interdit aux photographes!
Dans les mariages la caméra se déploierait comme un filet
pour chasser les papillons du coeur des mariés,
et si j'étais dans la nature, son déclic
réveillerait les ours.
Mais je regarde juste dans le miroir
et mes doigts qui n'ont rien appris
déchirent ce qui gicle du ventre -
photographier est un meurtre.

Traduit par Michel Eckhard Elial

 

 

 

 

Cours de préparation prénatale

Je n'ai pas dévoré la poupée du nouveau-né
qui passait de main en main,
même quand je suis devenu un coyote
et que mes yeux ont pris une couleur brune jaunâtre.
Aucune larme n’a lavé les yeux de verre
de la poupée, tant il était clair qu’elle avait compris
le désir que j'avais eu à l’instant,
Écrire un autre poème qui comparerait la naissance à la poésie.
"Jamais, murmura sa bouche, tu ne te laisseras tenter.
Ici dans la chambre
un cri est un cri,
comme il n’en sortira jamais
d'une gorge en papier froissée de crainte
à cause d'un poème qui n’est pas encore né.

Traduit par Michel Eckhard Elial

 

 

 

Montpellier. Statue équestre de Louis XIV

Louis XIV était amoureux des rênes
plus que de son cheval
comme si dans une incarnation précédente il avait été une reine sado
accro au fouet.

S'il n'y avait pas de flagellation dans ce monde
sa mémoire ne serait rien de plus qu'un clou rouillé
arraché au sabot d’un cheval.

Traduit par Michel Eckhard Elial

 

 

 

Dixième conseil à une jeune danseuse

La piste de danse fait bien parfois
les 64 cases d'un échiquier.
Sautez-les avec la fierté du cavalier
qui n'a jamais brossé
la queue d'un cheval vaincu.

Traduit par Michel Eckhard Elial

 

 

 

Larmes

(Dialogue écologique avec Benny Efrat)

Il me dit que c'est dans les larmes
d'un membre de la Société protectrice des animaux s’est noyée une fourmi.
Et je réponds : ce sont les tiennes,
qui ont noyé cet ami.

Traduit par Michel Eckhard Elial

 

 

 

Sonnet découpé devant une boucherie

Je suis prêt
à être écorché
comme sur un étal
de boucherie,

à condition
que la chair
de l’amour
ne s’éloigne
jamais
de mes lèvres

Traduit par Michel Eckhard Elial

 

 

En Francais

I learned French on the floor of the basketball court in grammar school. Shlomo Banita, the coach, was born in Morocco and that was enough for the principal to instruct him to exchange his sweats for the buttoned-up shirt of a French teacher, to stand in a closed room and scribble words on the board that would enable me to score in a few years with words in the tongue of Madame Bovary, and think that maybe I could find the bed on which Jean Paul Sartre nailed Lulu.
After three classes the necktie choked Shlomo Benita’s throat, and he decided to get us up from the class benches and wearing gym pants to teach our feet again to march from basket to basket singing Sur le Pont d’Avignon and then to release our hands from our shoulders only to wave to every bird
Alouette, gentille alouette
Alouette, je te plumerai

At the end of each class I imagined
that France was a bird with tacky high heels
on the rail of a rickety bridge.
If they had told me then that this language
was also Brigitte Bardot
I might have written this poem
in fluent French.

Tr: Karen Alkalay-Gut

 

 

 

Pied nu

Jacko, le coiffeur à la main tremblante de la rue Newe-Shaanan, savait que les jours où je venais me raser après le travail étaient chargés de mystère. J’étais à l’époque apprenti d’un négoce de tanneur, et les rendez-vous avec la jeune fille qui s’éclipsait de chez elle, se mesuraient au temps du sablier que son père (ignorant tout de moi) laissait s’écouler.

A mes yeux, Jacko, qui étalait la mousse à raser et d’un coup de lame ôtait les lambeaux de peau, ressemblait au coiffeur de l’école professionnelle, où chaque matin il allait poudrer les cheveux du Père Goriot.

Pendant ce temps, la jeune fille m’attendait à la table d’un café tout proche, à l’ombre de celle des marchands de chaussures. Ils buvaient du café noir. Elle, un jus d’oranges dont elle écrasait la paille pour en extraire la dernière gorgée.

Je la désirais parce que sa bouche était pleine de fautes d’orthographe que je n’osais effacer, parce les quelques parole échangées ressemblaient à des coups de canifs et aussi parce qu’elle ignorait l’existence du Père Goriot, extirpé du récit de Balzac.

C’était si bon, pensais je alors, d’oublier la trahison des chaussures à talons et de tomber amoureux d’un pied nu.

Traduit par Michel Eckhard Elial

 

 

 

The Revenge of the stuttering Child

Ronny Someck - poetry
Yair Vermuth - composition & tar
Noam Dayan - kamanche
Ido Eshed - zarb

 

 

 

Lettre du prisonnier R.S à la Direction pénitentiaire

L'amour est une mutinerie de prisonniers
dans la prison du corps.
S'il vous plait, ne réduisez pas le tiers de ma peine
pour bonne conduite.

Traduit par Michel Eckhard Elial

 

 

 

Même si. Poème dadaïste

« …L’ange de la mort a vaincu Bruce Lee
L’ange de la mort est champion du monde… » (David Avidan)

Même si John Kennedy ne pouvait pas enfiler ses chaussettes
tout seul à cause d’une inflammation aigüe des articulations
Au bas du dos
Même si Pablo Neruda dans son poème « Ode aux chaussettes » évoque
des « chaussettes sauvages » revêtant des jambes qui n’étaient
qu’ « une paire de longs requins »
et Steven Hall dans son livre « Mémoire d’un requin » décrit un poisson
géant qui se nourrit des souvenirs des gens
Même si John Edgard Hoover, chef du FBI, soupçonnait Marlène Dietrich
d’être une espionne nazie et demandait à ses agents de lire chaque mot
dissimulé dans le courrier qu’elle recevait
Même si Wislava Shimborska comptait les os de la main
D’Adolf Hitler, Et Leonard De Vinci dessinait le doigt imaginaire
de Dieu,
Même si le Rambam est l’auteur de « La main puissante de Dieu »,
et Bruce Lee, qui possédait une main semblable, la rendit
à l’intendance céleste à l’âge où l’on ne meurt pas d’un knock-out
Et même si
c’est le cas
Bruce
est encore
vivant,
La preuve : il est devenu un vers du poème
de David Avidan.

Traduit par Michel Eckhard Elial

 

 

 

 

 

 

Tractors

The sons of Doctor Mengele sell tractors
on the road between Munich and Stuttgart.
Whoever buys them will plow the land,
water a tree,
paint the shingles of a
house red.
And, later, at the beer festival, watch the local band
collect in the open square like tin soldiers in a shop window.
At the Beauty Salon of history, they skilled ones
comb each lock of hair,
even on the head of a monster.

Tr. Henrey Israeli

 

 

 

Cerveau

Mon cerveau est
un homme brûlé par le soleil arrêté au poste du maître-nageur
sur la plage du corps.
Dans ses yeux se reflètent les cuisses bronzées
sur le tapis de sable de l’imagination
en face l’onde bombe le torse au dessus de l’oeil
du tourbillon.

Il se rappelle aussi d’un château de sable
que je modelais avec mes doigts de trois ans,
les coquillages qui décoraient ses donjons,
et même le canal souterrain que je creusai
pour y cacher un secret
que je jurais de garder
pour l’éternité.

Traduit par Michel Eckhard Elial

 

 

 

Discours du pinceau de Gustave Courbet qui a peint l’origine du monde

Qui pense que je suis né pour peindre des chevaux
Qui somnolent sous le ciel de Provence
Ou le detail d’un bouton de la jupe pendue à la taille
De celle qui a achevé de coller ses lèvres
À la tasse de café de l’une des terrasses de Montparnasse,
N’a pas connu la danseuse de ballet Constance Queniaux
Je me suis plongé dans tant de couleurs pour la peindre
Que mon visage a noirci
Pour lui faire pousser
Un à un
Les poils
De l’herbe du jardin d’Eden que Dieu a créée
Et dont je ne serai jamais chassé

Traduit par Michel Eckhard Elial

 

 

 

Port d’attache

Je suis le port d’attache de ma fille.
Des navires en papier de son enfance cognent encore
leur proue sur le quai de mon front.
Sur le pont des bateaux de guerre luisent
des canons qui n’ont jamais tiré
et la fumée qui s’échappe des cheminées de cargos
danse, comme elle, dans le ciel du soir.

Tantôt je suis ces doigts d’acier au bout
du bras des grues,
tantôt les dockers même qui déchargent
des caisses secrètes cachées
dans le ventre de sous-marins.

Aucun naufrage de Titanic dans ce poème.

Traduit par Michel Eckhard Elial

 

 

 

Discours du pinceau de Gustave Courbet qui a peint l’origine du monde

Qui pense que je suis né pour peindre des chevaux
Qui somnolent sous le ciel de Provence
ou le détail d’un bouton de la jupe pendue à la taille
de celle qui a achevé de coller ses lèvres
à la tasse de café de l’une des terrasses
de Montparnasse,
n’a pas connu la danseuse de ballet Constance Queniaux
je me suis plongé dans tant de couleurs pour la peindre
que mon visage a noirci
pour lui faire pousser
un à un
les poils
de l’herbe du jardin d’Eden que Dieu a créée

et dont je ne serai jamais
chassé.

Traduit par Michel Eckhard Elial

 

 

 

Sonnet Lunatique

Une lune blonde
Qui guette
Par la fente
Du volet
Voit
Comment
Mes doigts
Tâtonnent
Sur l’écriture
Braille
Gravée dans l’obscurité
De sa chair.

Traduit par Michel Eckhard Elial

 

 

 

Kaddish de l’orphelin

Pour la shiva de la mort de ma mère
J’ai prié avec
Albert l’exterminateur des nuisibles
Beni le plombier 24 h/24,
Camille le réparateur de volets,
David, le technicien de la climatisation,
Eli, le couvreur,
Frank, le serrurier
Et d’autres.

Tout l’abécédaire est venu soudain
réparer les mots
qui ont éclaté
dans ma gorge.

Traduit par Michel Eckhard Elial

 

 

 

Studio Ronny

                                                                             à la mémoire de ma mère

 

Aux derniers jours de sa grossesse ma mère,
qui rêvait d’avoir une fille, avait vu les mots Studio Ronny
affichés sur l’enseigne d’un photographe.
Si malgré tout j’ai un fils, pensa t-elle,
il pourrait porter le nom de Ronny,
c’est aussi bien un nom arabe (nous habitions Bagdad)
que juif (n’étions-nous pas les exilés de Babel)
ou anglais (pour les sujets du Roi Georges VI
que nous étions).

Mon père né Abdallah était devenu Avner,
Salah, mon grand-père, avait refusé de devenir Tzvi
et ma mère Daisy était destinée à s’enraciner
dans toutes les flores.

Quelle chance qu’elle ne m’ait pas appelé
Studio !

Traduit par Michel Eckhard Elial

++++++++++++++++++++

«Studio Ronny»

Zum Andenken an meine Mutter

In der Letzten Woche ihrer Schwangerschaft sah meine Mutter
Die von einer Tochter Träumte, die Worte «Studio Ronny»
Am Schild an einem Foto-Laden.
Sollte ich trotzdem einen Sohn gebären, dachte sie, wie sehr
Wird ihm der Name Ronny passen.
Ebenso Arabisch (wir wohnten in Bagdad)
Ebenso Hebräisch (Wir zählen zum babylonischen Exil)
Ebenso Englisch (Wir waren Untertanen des Königs George dem Sechsten).
Mein Vater wurde als Abdallah geboren und wurde zu Avner,
Mein Grossvater wurde als Sallah geboren und weigerte sich Zwi zu werden
Und meine Mutter Daizy wurde geboren um Wurzeln zu fassen
In jeglichem Blumenbestimmungsbuch.
Welches Glück, dass sie mich nicht
Studio nannte.

 

 

 

Zoom

I count the bears on R’s pajamas
From twelfth grade listening
To me reading a poem
About ballet shoes.
The teacher T’ in the next square
Missed a hair above the left eye
When she tried to be exact
Plucking her eyebrows
The beard of Teacher Y’
Is more manicured
Than the Gardens of Luxembourg
And the cat on the lap of H
Deserves an embrace.
D’ judging by his shirt is a member
Of the Nature Conservation Group,
And the flowers in the vase behind him
I identify are permitted to pick.
K’s turtle-neck sweater is black and, she
Looks like the raven in the old Scottish ballad,
And I hope that T doesn’t fix that eagle nose
That really suits her,
And while we’re on the subject of the nose:
The fact that P’ is the dream
Of painters of Aphrodite
That N’ is freckled
And H’ is too close to the camera.

She’s the last to turn off the video
And my eyes suddenly chew alone
the screen that fills
with squares of chocolate.

Tr: Karen Alkalay-Gut

++++++++++++++++++++

Zoom

Ich zähle die Bären auf dem Pyjama von R.
Aus der zwölften Klasse, die einem Gedicht zuhört, das ich vorlese
Über Ballettschuhe.
Die Lehrerin T. auf dem Quadrat daneben verpasste
Ein Haar über dem linken Auge als sie präzisieren wollte
Beim Jäten der Brauen.
Der Bart des Lehrers J. ist gepflegter
Als die Jardin de Luxemburg
Und die Katze auf dem Schoss von H. ist eine Umarmung wert.
D. - dem Hemd nach, ist Mitglied des Naturschutzvereins
Und in der Blumenvase dahinter
Identifiziere ich jene, die man Pflücken darf.
Der Golfpullover von K. ist schwarz und
Sie ähnelt einer Krähe aus einer alten schottischen Ballade, und
Hoffentlich verkleinert T. die Adlernase nicht
Die ihr so steht.
Und wo wir grad bei Nasen sind:
Die von P. ist der Traum
Der Aphroditenmaler
Die von N. übersäht von Sommersprossen
Und die von H. zu nah an der Webcam.
Sie ist auch die Letzte, die das Bild auslöscht
Und meine Augen beissen plötzlich alleine in den Bildschirm der sich füllt
Mit Schokoladenwürfeln.

Trad: Udi Levy

 

 

 

Le revolver de Vincent Van Gogh

Si Vincent Van Gogh avait su
que le revolver de 17 mm avec lequel
il s’est donné la mort serait vendu 183 000 dollars
il aurait peut-être préféré sauter
de la cime du cyprès qu’il avait peint
de la fenêtre de l’asile du monastère
Saint-Paul de Mausole en Provence.

Des verres avaient arrêté le vent mauvais
recourbant les épis de blé, et sur la table chancelante
il avait avalé les pinceaux au moment où
dieu préparait le dessert du soir
avec des biscuits d’étoiles

Traduit par Michel Eckhard Elial

 

Hear the recording of the poem.
Reading: Pascale Goëta
Music: Nik Bartsh

Download the mp4-file > here (right click > download)

 

 

 

En Francais

C’est sur le terrain de basket de l’école élémentaire que j’ai appris le français.
Que Shlomo Benita, le prof de gymnastique soit né au Maroc avait suffi au directeur
à lui faire troquer le survêtement pour une chemise habillée de prof de français,
et écrire au tableau d’une salle de classe les mots d’une langue dans laquelle je pourrais
quelques années plus tard dévorer des yeux Madame Bovary et même imaginer le lit
où Jean-Paul Sartre avait fait dormir Lulu.
Au bout de trois cours la gorge étranglée par sa cravate Shlomo Benita décida
de remettre debout nos jambes et leur apprendre à nouveau à marcher,
en pantalons de sports, entre les paniers,
à chanter Sur le Pont d’Avignon, puis à lever les mains au-dessus des épauler
pour saluer chaque oiseau

Alouette, gentille alouette
Alouette je te plumerai

A la fin de chaque cours j’imaginais que la France
est un oiseau portant des talons-aiguilles
sur le parapet d’un pont instable.
Si on m’avait dit alors que cette langue
c’est aussi Brigitte Bardot
il se peut que j’aurais écrit
ce poème dans un français chatoyant.

Traduit par Michel Eckhard Elial

 

 

 

A poem of bliss

We are placed on
a wedding cake
like the two dolls, bride and groom.
When the knife strikes
we'll try to stay on
the same slice.

 

 

 

 

Ces plantes d'automne

Ces plantes d'automne
Fleurissent
Aussi cette année
En personne
Et au pluriel
L’alignement
De leur floraison
Ignore
Les consignes de
Distanciation
De l’épidémie
Otant
Le masque de sable
Du visage
De la terre.

Automne 2020

Traduit par Michel Eckhard Elial

 

 

 

Hermes

The moment after the courier department at the main branch of the savings and loan hired me, I was surrounded by new friends who wanted to know my name. I was sure no one in the world had not read some mythology, so I said without a smile, “My name is Hermes," adding in my heart, "Messenger of the gods." Each man, wrote the poet, receives his name from God and interest calculations from Loans and Arrears.

My god disguised himself as a Greek sculpture. When the manager asked, "Hermes, why were you late for the attorney? The letter was urgent," I almost said I couldn’t find the stairwell to his room inside a wooden horse from the Trojan war. I called the girl from the workers' committee who delivered wine on holidays, "Mrs. Dionysus." When the couriers, admiring my girlfriend, asked her name, I said "Aphrodite," to Dina’s wonderment.

In those days I savored complications in my life, like grapes. Laurels hung from traffic lights, leather sandals were sewn into the roots of trees marching down the boulevard, I sucked from my lungs Olympian air to fill the bicycle tires I got at work.

In a café by the sea I drank Ouzo with Poseidon, as predicted. On my bed I sharpened Cupid’s arrow, aimed it at the heart of the one who finally agreed to say goodbye to her shirt buttons. and at the sight of real nipples the storm ceased. Amazonas' hair, caught in the rocks, and ravine, streamed through my fingers again, unimaginably.

Tr: Christopher Merrill

 

 

 

Inconnu

Le jour où la langue est devenue une pioche pour creuser le sable imaginaire,
on a créé l’expression « lieu de sépulture inconnu ».
Lieu est l’un des noms de Dieu.
« Sépulture » exprime parfois un moindre mal
mais « inconnu » ?
Où est l’œil avisé d’Agatha Christie quand on en a besoin?
Où est passée la loupe de Sherlock Holmes,
disparue la cendre du cigare de
l’Inspecteur Colombo?
Dites à Christophe Colomb que ce n’est pas sorcier
d’avoir découvert l’Amérique,
qu’il découvre en quel coin de Bagdad l’oncle Yossef a laissé son cheval pour rejoindre au galop
la guerre qu’on a appelée « Guerre de libération ».

On peut libérer une terre,
un esclave
ou la fermeture-éclair coincée
dans le dos d’une jupe,
mais il est impossible de libérer les fils dont
est cousu le costume de shabbat de mon père,
celui qu’il avait juré de porter
le jour où il rencontrerait
mon oncle.

Traduit par Michel Eckhard Elial

 

 

 

Sonnet pour la liberté, vue à travers une vitre de voiture sur la Route 40 du Désert du Néguev

Sur
les dunes
de sable
ondule
un chameau
les yeux
ravis
comme s’ils venaient
d’achever
de mastiquer
pour nous
l’ultime
barreau de la geôle
du monde.

Traduit par Michel Eckhard Elial

 

 

 

Wine report

Before reporting for guard duty, I filled my canteen with kiddush wine.
When they caught me, the commander roared, "it’s blood".
A few months later, he was wounded in an all but forgotten battle. A needle
inserted in my veins conveyed to him in thin pipes my rare AB stream.

When he regained consciousness, I told him I donated wine
and he, wishing to salute, discovered
his hand had been amputed.

Tr: Christopher Merrill

 

 

Ronny Someck - Un question

 

A Sword

to George Farkash, sword teacher

 

A sword is a pin’s delusion
of grandeur.
It rebels in the hands of a seamstress
and dreams of being grasped by a hero’s fingers.
It feels better to punch an enemy in the stomach than to be
stabbed in the cloth fluttering in front of it
as the flag of surrender.

I had one like that for my fencing lessons.
Its ancestors were fisted by the cavalry
from the 17th century.
It was easy to imagine the paintbrushes of the painters who
committed suicide
in order to perpetuate on canvas the pride of these riders and
sharp edge of their weapons.
No one dared to let a drop of sweat drip from their faces
just like the poster that had already faded on our wall
in the training shelter.
I wanted my mouth to be filled with swords and the words I would choose
to tell the girl, who collected the fencing uniforms at the end of the battles, to shrink
to the size of a pin.
She spoke a lot of Hungarian and a little of an immigrant’s
Hebrew. And I, who was once the world champion of stuttering,
brushed with saliva the flaming sword flashing back and forth
over my lips, again and again.

Tr: Liora Someck

 

 

Ronny Someck - Un question

 

Modigliani côte Dali

Comme dans un tableau de Modigliani, la nuit s’étire
de l’épaule au menton,
blottie au fond de l’obscurité comme un homme amoureux au cou du matin.
Tu es captive de la couleur de son pinceau. A sa montre,
il est toujours sept heures moins une, les aiguilles se plient
devant toi.
J’oublie de dire que dans cette histoire je suis un tigre
d’une jungle urbaine.
De la fenêtre de la chambre on peut imaginer des voiles
de papillons battre des ailes sur les mâts
d’un bateau pirate.
Mes griffes vernies de noir
et les rayures de ma fourrure
Salvador Dali les a peintes.

p.s. Que se cache t-il, demande t-elle, derrière
ces tableaux?
En général, le mur.

Traduit par Michel Eckhard Elial

 

 

Ronny Someck - Un question

 

Like a motorbike

Cold
and the rains will continue till Sepember,
she will fall asleep and wake up because of love and her virginity
will speed past like a motorbike,
so much smoke from the back
so much light from the front.

Tr.: M. Dor and B. Goldberg

 

 

Ronny Someck - Un question

 

Rapport sur le vin

Avant de prendre mon tour de garde, j’ai rempli ma gourde de piquette.
Quand on m’a attrapé, le commandant s’écria : c’est du sang!
Quelques mois après il fut blessé dans un de ces combats, dont on oublie vite le nom.
L’aiguille plantée dans mes veines lui transfusa en de minces tuyaux le groupe sanguin rare qui était aussi le sien.
Je t’ai donné mon vin, lui ai-je dit quand il reprit conscience,
et lui, qui voulait me remercier, découvrit
qu’il avait la main sectionnée.

Traduit par Michel Eckhard Elial

 

 

Ronny Someck - Un question

 

The food chain of Poetry

One of my wife's relatives
an immigrant from Romania, established
in the fifties
a pacifier factory.
When he got old and his eyes went dim, his son added a new department
to manufacture condoms.
Seemingly a contradiction: too many condoms will yield less babies in need of pacifiers.
In reality, a suggestion to describe the food chain of poetry:
First wrap
the word
in a-slippery rubber that protects and indulges.
Later, when you throw it away

Remember its first incarnation
and absorb, as from the mouth of a baby
a cry
a howl
and the voices that no one besides you
has ever heard.

Tr: Shirly Someck

 

 

Ronny Someck - Un question

 

The parking lot for car bombs

to Mazin Mamoory

The parking lot for car bombs
was paved in the heart of Baghdad.
Away in Ramat-Gan I shut my ears
and wait for the prick of an imaginary needle
in my veins
that are asking to donate blood.

No distance hides the sight
of collapsing walls
in the hospital
where I was born.

Tr: Shirly Someck

 

 

Ronny Someck - Un question

 

A moonstruck Sonata

a blond moon
peeks
from the slit
of the shutter
sees
how
my fingers
blinden
on
braille
engraving
in her
dark
body.

Tr: Liora Someck

 

 

Ronny Someck - Un question

 

Epée

                              pour Georges Farkash, maître d’escrime

Être une épée c’est le rêve de grandeur
De l’épingle.
Elle s’ insurge entre des doigts de couturière
rêvant d’être dans les mains de guerriers.
Elle préfère le ventre d’un adversaire
au tissu qui flotte en face d’elle
comme le drapeau blanc de la défaite.

J’en avais une semblable dans les cours d’escrime pareille
à ses ancêtres brandies par les mains des chevaux-légers
du 17è siècle.
Il était facile d’imaginer le pinceau du peintre qui a tout donné
pour immortaliser sur la toile la fierté des cavaliers et la pointe de l’arme.

Pas une goutte de sueur n’avait perlé de leur visage
tout comme sur l’affiche décolorée sur le mur
du local d’entraînements.
Là j’aurais voulu que ma bouche soit pleine d’ épées et que mes paroles
pour celle qui ramassait les tenues d’escrime à l’issue des combats aient la taille
d’une épingle. Elle parlait beaucoup le hongrois, un peu d’hébreu de nouvelle immigrante.
Et moi qui avais été autrefois champion du monde du bégaiement, la lame de l’épée ne cessait se retourner sur mes lèvres,
flamboyante de salive.

Traduit par Michel Eckhard Elial

 

 

Ronny Someck - Un question

 

31.5.2020

Today is Clint Eastwood's birthday
and I am perforating
90 holes
with a pen
as if the paper was
the heart of the bad guys.
I caress the Parker 51
in a soft fabric
that can vanish scent of gunpowder
from the pistol throat.
"words", he had yet to say,
"can draft the duel rules
and immediately recall, that the best shooter
is illiterate".

Tr: Liora Someck

 

 

Ronny Someck - Un question

 

Three Dutch stamps

Maybe she is still standing in a Dutch snow forest,
the wind scarf continues to wrap her neck
and who knows if she has already learned to set love
as a horseshoe determines.
what I have left from her are three stamps
torn out from the quarrel letters
with a draw of a Cocker Spaniel on each of them.

How much innocence there is suddenly in these dogs,
How much fur grew to erase from their bodies
the thought that they, like her, were born hunting dogs.

Tr: Liora Someck

 

 

Ronny Someck - Un question

 

Tomorrow

Right now, every word is a tile on the roof of the house
I’ll build tomorrow.
It’s cold outside.
It’s not the slap of the march wind or a punch of hail
From last month. This is a blow beneath the beltless. Nature is
A boxer who knows only the word
"Knockout."

Phillip sends photographs of coffins from Milan.
What a waste to sacrifice the red-brown
Of mahogany and bury it in the ground. I glance
At the last drops left in the martini bottle,
And remember the first kiosk of that drink in that very Milan.
In case someone has forgotten, it all begins with vermouth and eighteen percent of
Pure alcohol soaked with herbs. So let’s drink to their memory. Rosso,
Bianco or extra-dry.

Salah calls from Paris and reminds me that the evil wind is blowing as well in the city
We were born. Baghdadi Corona with arabesques. He composes a curse
That it was the last piaster missing from the dinar in the stock exchange of Iraq.

And in Ramat Gan I would like make paintbrush gallop
The way Bashir Abu Rabia fills his horses
with paint of eternal colors.
I want Kyuzo from “The Seven Samurai “
To save us.
To come and grasp his sword once more Like a child who clenches his last candy
in his pocket
To remind the cellophane that it must hide that candy
From the teeth of the world

Tomorrow the tiles from the first line will be a metaphoric roof
Of a coffee house for instance.
There we will understand, at last, that stirring milk
in the bottom of the cup can create
a new world.

Tr: Karen Alkalay-Gut

 

 

 

Poème de Bonheur

Nous sommes posés sur le gâteau
comme des figurines de mariés,
quand le couteau tranchera
essayons de rester sur la même tranche.

Traduit par Michel Eckhard Elial

 

 

 

 

Seule, aux confins J30 / Mercredi 15 avril

Journal poétique en temps de confinement

« Je fais couler la solitude de l’encre du poème », R. Someck
Réalisation-Lecture Pascale Goëta
Poème : Ronny Someck « le 33ème poème sur la Ministre de la solitude »
Trad de l’hébreu par Michel Eckhard Elial
Musique : Cyril Benhamou, Ext « Old castle »
Peinture : Rafael Gray .

 

Le 33 ème poème sur la Ministre de la solitude

Si je n’avais pas lu les 32 poèmes
pour Tracy Crouch
nommée Ministre de la solitude dans le gouvernement anglais,
j’écrirais le 33ème poème,
elle serait assise dans son bureau
et tiendrait à la main «Une rose pour Emilie » où
elle découvrirait au dos de la couverture, que
William Faulkner était
le seul facteur au monde qui au lieu de distribuer le courrier
déchirait les enveloppes pour lire toutes les solitudes
qu’elles contenaient.
Elle aurait pu écrire dans son journal : La solitude, c’est
le revolver qui s’enraye au moment du suicide , la balle qui refuse
d’être une salve d’honneur à l’enterrement du mot fin.

Mais dans le bureau de la ministre, au lieu de la poudre brûlée
ce sont des épines de roses
une tige affligée
que l’on jette sur le sol,
et même la poignée de la hache, qui a coupé le bois pour faire le papier
où je fais couler la solitude de l’encre
du poème.

Traduit par Michel Eckhard Elial

• Tracey Crouch a exercé la fonction de Ministre des Sports, de la Société civile et de la solitude dans le gouvernement de Theresa May, du 15 juin 2017 au 1er novembre 2018

 

 

 

Ronny Someck - Un question

Réalisation et Lecture: Pascale Goëta
Poème: Ronny Someck - 'Modigliani', traduit de l’hébreu par Michel Eckhard Elial
Dessin: Ronny Someck
Music: Gilad Hekselman (extrait de This just in)

Cliquer > ici

ou télécharger la mp4-file > ici
(click right and choose 'save file').

 

Modigliani, côté Dali

Comme dans un tableau de Modigliani, la nuit s’étire
de l’épaule au menton,
blottie au fond de l’obscurité comme un homme amoureux au cou du matin.
Tu es captive de la couleur de son pinceau. A sa montre,
il est toujours sept heures moins une, les aiguilles se plient
devant toi.
J’oublie de dire que dans cette histoire je suis un tigre
d’une jungle urbaine.
De la fenêtre de la chambre on peut imaginer des voiles
de papillons battre des ailes sur les mâts
d’un bateau pirate.
Mes griffes vernies de noir
et les rayures de ma fourrure
Salvador Dali les a peintes.

p.s.
Que se cache t-il, demande t-elle, derrière
ces tableaux?
En général, le mur.

Traduit par Michel Eckhard Elial

 

 

Ronny Someck - Un question

Réalisation et Lecture: Pascale Goëta
Poème: Ronny Someck - 'Demain', traduit de l’hébreu par Michel Eckhard Elial
Dessin: Ronny Someck
Music: Özgür Baba.

Cliquer > ici

ou télécharger la mp3-file > ici
(click right and choose 'save file').

 

Demain

Aujourd’hui chaque mot est une tuile du toit
de la maison que je construirai demain.
Dehors il fait froid.
Ce n’est pas la gifle d’un vent de mars ou l’averse de grêle
du mois passé. C’est un coup bas sous la ceinture. La nature
est un coup de poing qui ne connait que le mot
knock-out.

De Milan Philippe envoie des photos de cercueils.
Quel gâchis de sacrifier le bois rouge de l’acajou
pour l’enfouir dans la terre. Je vois encore
les dernières gouttes de la bouteille de Martini,
et ce bar de Milan où on le consommait.
Pour ceux qui ont oublié, tout commence par un vermouth à
dix-huit degrés d’alcool aromatisé de plantes.
Buvons à leur mémoire : Rosso, Bianco ou Extra-Dry.

Salah m’appelle de Paris,
un vent mauvais souffle aussi
dans la ville où nous sommes nés. Un corona bagdadien
avec des arabesques.
C’est tout ce qui manquait encore à l’Irak.

Ici à Ramat-Gan je veux faire galoper le pinceau
comme Bashir Abu Rabi’ia peint ses chevaux
des couleurs de l’infini.
Je veux que le Kyuzo des « Sept Samouraïs »
nous sauve,
qu’il vienne et étreigne son sabre comme l’enfant serre
le dernier bonbon dans sa poche,
pour rappeler au cellophane qu’il doit protéger cette douceur
de la morsure du monde.

Demain les tuiles deviendront le toit métaphorique
d’un café, par exemple.
Là, nous comprendrons enfin qu’une goutte de lait
dans la tasse de café peut créer
un nouveau monde.

Traduit par Michel Eckhard Elial

 

 

Ronny Someck - Un question

 

Lettre à Emily Dickinson

Donner un coup de tête à la vitrine
pour ôter sa virginité au verre
tu ne l’as jamais fait,
tu ne n’es pas agenouillée
pour faire le deuil des débris
ni demandé aux chirurgiens de faire attention
au bistouri.
Je lis dans les points d’interrogation de ta vie dans les lignes froides de Wikipedia, que ton chien s’appelait Carlo, je vois,
en bon fils de couturière, tes robes si soignées
et je ne comprends pas que le plus clair de ta vie tu n’aies franchi le seuil de ta maison.
C’est pourquoi j’écris aux portes closes, aux clés des ceintures de chasteté
et à la métaphore des cloisons de verre qui ont interdit de mettre la main sur tes poèmes.
Permets moi aussi d’imaginer la précision du peigne qui savait repartir tes cheveux en deux camps,
et te rappeler que dehors les soldats du sud se battaient contre les soldats du nord.
Tu as caché la cendre des flammes dans l’encrier où tu as confiné tes jours.

Traduit par Michel Eckhard Elial

 

 

Ronny Someck - Un question

 

Montagnes

La première montagne qui se dresse dans ma mémoire
n’était pas plus haute qu’une dune de sable.
Je l’escaladais avec les chaussures
offertes pour mon quatrième anniversaire.
Je pensais pouvoir attraper le soleil
et ceux qui venaient me chercher secouaient le sable incrusté
dans les côtes de mon pantalon en velours.
Ensuite sont arrivés les bulldozers
ils ont pris à pleines mains la chair de la colline
et le paysage est devenu un corps sans la moindre trace.

Depuis j’écris des lettres d’amour aux montagnes,
je demande au Hermon comment vit-on dans le vertige,
je vérifie si le Thabor n’a pas plus la tête qui tourne
à force d’être au milieu de tout,
j’essuie les larmes de Saül sur les yeux du Gilboa
je pardonne au Mont Nebo d’avoir laissé sur sa cime
s’éloigner de Moïse la terre promise.

Et les montagnes?
Les montagnes accumulent le sable dans le ventre
et le répandent
sur les lettres de consolation que j’envoie
aux vallées.

Traduit par Michel Eckhard Elial

 

 

Ronny Someck - Un question

 

Quel livre prendrais-tu, demande t-elle, sur une île déserte?

Sur l'Ile du Diable je prendrai Crime et Châtiment,
Alice sur l'lle au Trésor,
sur l'Ile de Robinson Crusoe je prendrai Moby Dick,
Lolila aux Iles Vierges,
et sur les Iles à la dérive les Neiges du Kilimandjaro,
sur l'île encore inconnue, c'est toi que je prendrai
pour te feuilleter.

Traduit par Michel Eckhard Elial

 

 


 

 

Three poems

A collaboration between poet & artist Ronny Someck and composer & singer Gideon Efrati.

 

Airports

 

 

Bloody Mary

 

 

Poverty Line

 

 

 


 

 

Ronny Someck - Un question

 

Une question à l’Acropole

Combien de kilos de pierre pèse le cœur
d’un homme dont la main brisée effleure
le téton d’une femme au sein mutilé?

Traduit par Michel Eckhard Elial

 

 

Ronny Someck - David Bowie

 

David Bowie sings 'Wild is the Wind'

From the throat of the transistor radio,
the battery bound with black electrical tape
stolen from the emergency storage hangar,
rasped a voice endeavoring to cover with a blanket
the wildness of the wind.
That night my shoulder was covered with a rifle strap.
The hyenas’ wails broke onto the glorious fence surrounding
the army base.
Had I been a mental health officer for myself I would have
written:
“At this
moment
the patient
stripped
Love
of her
Sabbath
dress.”

Tr: Karen Alkalay-Gut

 

 

 

Requiem pour le dernier tigre du monde

Juste avant sa mort ce sont des flèches d’amour
que le dernier tigre du monde a gravées de ses griffes
sur des troncs d’arbres décapités
dans le rêve d’une hache décervelée.

Chaque soir à sa mémoire le soleil trace
des rayures sur les nuées du paysage
qu’il continue de dévorer.

Traduit par Michel Eckhard Elial

 

 

Take it Ouzo

La ville de Patras est frappée chaque année
par 800 tremblements de terre.
J’en ai ressenti un dans la chambre 14
de l’Hôtel « Castello ».
Je n’étais pas seul, et même après avoir vidé
la bouteille d’Ouzo jusqu’au culot,
son épaule tremblait encore comme une métaphore
du concert impromptu de la nature.

Traduit par Michel Eckhard Elial

 

 

 

Langue

La langue est un tapis rouge
déroulé sous des chaussures de mots
cirés dans la gorge.

Le premier mot sorti de là
pieds-nus
s’appelait « je ».

Traduit par Michel Eckhard Elial

 

 

 

Landscape sleeve sonata

The landscape sleeve
was folded on the beach's arm.
The storm lifted the sea's cheekbones
Your face blazed in the dark.

You had tickets to Hollywood and Sodom
A velvet curtain concealed the dream.
You sewed star’s clothing in a rusted needle
and dead birds were tied on your head as a ribbon.

You wrapped the moon in blue paper
You could only fall from the cotton wool cloud vapors
the fog stabbed
what’s left of light
and when you went out of sight
you left a memento of hair in the bath.

Tr: Liora Someck

 

 

 

Huit blessures

Soudain quand elle s’enferme dans les caves de son cœur,
ses yeux suspendus comme une lampe-tempête
au plafond de son front,
je compte intérieurement les huit blessures
d’Alexandre le Grand:
le coup de couteau de boucher à la tête
l’épée dans la cuisse
le lance-pierre dans la poitrine
la flèche qui traverse la jambe
la pierre sur la tête
une fléchette qui transperce l’épaule
et l'autre le talon
et l'autre le poumon.

Elles ne l’ont pas empêché de conquérir la moitié du monde,
mais pour elle, ce soir, la défaite de l’amour est
celle du monde entier.

Traduit par Michel Eckhard Elial

 

 

 

Paris. Cinq minutes avant l’automne

Des feuilles
qui rêvent
de tomber
comme des soutiens-gorges
de femmes.
Les branches
de l’arbre
sont
tellement secouées
par l’incursion
du vent.

N.B.
Peut-être est-il déjà impossible de savoir quoi que ce soit sur l’automne,
et moi j’imagine aller au café jouer au backgammon
avec Yves Montand.

Traduit par Michel Eckhard Elial

 

 

 

Scarlett Johansson chante sur l’herbe verte de Tom Waits

Le vert de ses yeux
elle le doit à Dieu qui leur a donné la lumière
des molécules de chlorophylle.
Quand ils sont clos par les rêves, elle grimpe
dans ses chaussons de ballet
sur l’Everest.

Là,
elle ouvre les mains
pour rattraper le cœur déchiré
d’un oiseau qui tombe.

« Maintenant, je chante, il y a une bulle de moi
qui flotte à l’intérieur de toi »
et dans sa gorge les vagues sont plus hautes que l’océan amoureux
sous l’escorte des rivières échouées.

Traduit par Michel Eckhard Elial

 

 

 

Les talons hauts de Simone de Beauvoir

               (sur une photo de Art Shay)

 

Toute la doctrine de l'Existentialisme pourrait tenir
dans les talons hauts de Simone de Beauvoir.
Les chaussures achetées dans une boutique à côté du Café de Flore
étaient plantés sur le carrelage devant le lavabo
d'une méchante salle de bains de Chicago.
C'était en l'an 1950, au dessus des talons
piaffaient de longues
jambes de cheval.
Elles ruaient tout autour
pavanant si bien la croupe
comme une poire cueillie
sur un arbre de la Renaissance.

Traduit par Michel Eckhard Elial

 

 

Coeur

               à Shirly

 

Je suis un menuisier
qui découpe dans la chair du bois
les portes des chambres du coeur.
Dans les coins
sont glissées les lettres envoyées par le cerveau,
à l'intérieur le secret
des forêts éternelles
que j'ai toujours voulu connaître.

Traduit par Michel Eckhard Elial

 

Page arrachée aux jours du Lycée 'Mishlav'

Au dernier rang était assise Lilah
qui lors d’une récré avait pu dire : Viens, partons,
J’enlèverai ma chemise et je te montrerai, à quoi ressemblent les montagnes,
dans la géographie du corps,
et comment Yaël des cours de Bible avait assassiné Siséra.
Toi, qui détestes les maths, tu comprendras enfin que dans une équation
il faut ouvrir les crochets, en déterminant les variables
pour trouver l’inconnue.
Mais Lilah n’avait pas la langue bien pendue,
pour se perdre en mots, alors qu’à l’instar de Claire, la prof de français,
Il suffisait de rapprocher les lèvres, et d’ imaginer comment dans la langue,
comme dans la guerre, le mot baiser
peut être aussi une arme de guerre.

(et si ne n’était pas superflu, j’écrirais que la même année
sous le framboisier de sa cour, ce fut notre salive qui fut pressée
dans nos bouches de victimes de la session d’hiver du bac).

Traduit par Michel Eckhard Elial

 

 

Le concerto pour piano numéro 21 de Mozart

Pour Ariel Hirschfeld

Sur les cloisons de la baraque en bois à Bergen-Belsen
Madame Fanny avait gravé les notes
du concerto pour piano numéro 21 comme si
elles traçaient la lettre de suicide du monde.
Elle était sûre qu’après la guerre
il ne resterait rien
et ceux qui viendraient d’une planète sauve
pour balayer les cadavres sur la surface de la terre
verraient, que dans cet univers-là,
il y avait au moins un génie.

Traduit par Michel Eckhard Elial

 

Sable

(dédié au sachet de sable ramené par Ali Fraj des berges du Tigre)

Si ce sable avait des mains, elles dessineraient
sur mes lèvres les arabesques des premiers mots
sortis de ma bouche.

S’il avait un cerveau, il se souviendrait
des pieds de bébé qui couraient sur son visage.

S’il avait des yeux, ils verraient
que les eaux du Tigre ont pour ambassadeurs des larmes
au pays des yeux.

Milan, Mai 2019

Traduit par Michel Eckhard Elial

 

 


 

 

The 33rd Poem on the Minister of Loneliness

If I hadn’t read 32 poems
Dedicated to Tracy Krauch
Who was appointed Minister of Loneliness in the government of England,
I would have written the 33rd poem
And describe her sitting on the only chair in her office
Holding in her hand "A Rose to Emily" and reading
On the back cover that William Faulkner was
the only mailman in the world,
Who instead of delivering the letters
Would tear the envelopes to read of all the loneliness contained within.
“Loneliness”. She almost wrote in her diary, “Is
A fault in the gun of the suicide, the bullet that refuses
To be the honor volley of the funeral of the word end.”

But in the offices of the minister, instead of gun powder
Thrown on the floor
Rose thorns
Depressed stems
And the axe handle, that fell the tree from which the paper was made
That I abandon on its own the ink
Of the entire poem.

Tr: Karen Alkalay-Gut

 

 


 

 

A Cypress

A cypress
planted in
ground like an
exclamation mark
at the end
of the answer
to whomever
is wondering
how
the ego
of nature
appears

Tr: Karen Alkalay-Gut

 

 


 

 

Blues for a Hitchhiker from the Navy

 

 

Blues for a Hitchhiker from the Navy

What kicks can be kicked in army boots
That are choking on the laces bind them?
To what height can grass grow in the lot
That was never a plot?
Just a crossroads
In the heart of the desert.

As with soccer, I begin with the configurations:
On one side is her, a naval officer
And it’s impossible not to compare her shirt buttons
To the guard boats
In an extremely heaving sea.
On the other side, there is me.
Barely a month after I was condemned
To a khaki uniform spotted
With gun oil.

Sometimes thoughts are in the status of one side
And when something of her smile was dropped
Like an anchor opposite the pier of dreams
(and sorry about the sweetness of the simile)
I would be to her a gunner of the destroyer
The swelling muscles of the hands holding the rowing oars
An oxygen tank on the back of the diver
And even a secret missile not yet invented

"There should be no misunderstanding here,"
I whispered to myself even then
"This is not the beginning
Of a love story. "
And still, if I remember the fate of the door slammed
In the car that took her away,
It’s because the next day
And the day after the day after
In the navigation trek
I was the only one whose heart’s compass took
To another place.

Tr: Karen Alkalay-Gut

 

 


 

 

Regards to the Waitress in the Student Bar at the University of Iowa

 

 

Regards to the Waitress in the Student Bar at the University of Iowa

Her head was empty as a vase
and I filled it with flowers
that I scribbled in black ink
on the bar

Tr: Karen Alkalay-Gut

 

 


 

 

Pour les yeux de Lily ou les yeux de la nuit

 

 

Pour les yeux de Lily ou les yeux de la nuit

Tu sais, dit la voisine russe à mon père,
cette Oum Koultoum, que tu écoutes haut et fort,
a dit qu’elle viendrait à Tel Aviv chanter après sa conquête
par Abdul Nasser.
J’étais à côté de lui et mon cerveau d’enfant de sept ans
était agité par un dilemme:
étais-je pour les yeux turquoise de la blonde
qui était aussi la mère de Lily, sacrée par mon cœur
reine de beauté du quartier évacué,
ou pour la chanteuse qui demandaient aux yeux de la nuit
le retour du soleil
Les mots s’échappaient des lèvres de mon père : Nous l’aimons,
et dans ses yeux, je vis qu’il rêvait de dire: Si c’est vrai,
Yallah, Nasser,
viens, même un instant.
Garde-moi une place au premier rang,
Je ne veux pas perdre la seconde où sa voix fera voler
même les nœuds papillons
au cou des violonistes.

Tr: Michel Eckhard Elial

 

 


 

 

Sète. Vue du Quai Paul Riquet

 

 

Sète. Vue du Quai Paul Riquet

Les pavés du quai Paul Riquet sont soudain vides.
Une averse a gratté les traces laissées
par les pattes des pigeons,
les barriques de vin égorgé
et le chausson oublié d’où ont poussé les bas résille
d’une prostituée dans la chanson de Georges Brassens.

Et les marins ? O les marins.
Ceux qui ne sont pas encore enterrés
dans le cimetière marin
ont toujours la gitane plantée entre les lèvres,
ils enfument les cheminées de l’esprit
des bateaux à vapeur
qui ont jeté l’ancre.

Tr: Michel Eckhard Elial

 

 


 

 

Sonnet for the one who settle for less

 

Hear singer and the composer Chani Dinur sing 'Sonnet for the one who settle for less'.

Poem and illustration Ronny Someck.

 

 


 

 

Not me

 

I did not see the scars on the thighs of the women
Who were raped in Kishinev.
I didn’t pierce the moon on a spear of cypress.
I didn’t change the tire of the jeeps that were trapped
in Bab al-Wa’ad.
I didn’t pity the children in the Kindergarten,
and I didn’t run on the bridge that betrayed Jonathan in this place.
With Yona Wollach I wrote a hymn to the whorehouse of Fanny Hill,
And with Amichai I carried baskets of apples that we bought in old Jerusalem
from the stall of Abu Khalil.
In the wine shop in south Tel Aviv I twisted with Guri the cap on a Jonathan Walker
under the stars, with no excuse we got drunk outside.
With lines of Bialik I showed a few hungry-eyed women
a prostitute sitting in the window, and
the hammer of my great sorrows.
A national poet needs a different hammer that will nail
his feet to the ground
again
and again.

I maintain the right to hover.

Tr: Karen Alkalay-Gut

 

 


 

 

Antalya

 

See the Yinon Muallem Quintet play and sing Ronny Someck's poem ' Antalya'.

Lyrics: Ronny Someck
Music: Yinon Muallem
Arrangement: Orel Oshrat

Yinon Muallem: Oud, Vocal
Sivan Oshrat: Vocal
Orel Oshrat: Piano
Meni Welt: Double Bass
Maayan Doari: Percussion

Recorded live at Alt Studios Israel
Mixed & Mastered at ADA studios Istanbul
Video Clip by: Nadav Ariel
Group Picture by :Rami Zarnegar

Booking: info@simplymusicland.com
Please visit to buy the cd: yinonmuallemquintet.bandcamp.com

 

 


 

 

Tel Aviv at Night

 

Hear Maya Belsitzman & Matan Ephrat sing and play Ronny Someck's poem 'Tel Aviv at Night'.

 

 


 

 

Poème de Bonheur

 

 

 

Poème de Bonheur

Nous sommes posés sur le gâteau
comme des figurines de maries
Quand le couteau tranchera
essayons de rester sur la même tranche

Tr: Michel Eckhard Elial

 

 


 

 

The Mouth

 

 

The Mouth

The mouth is like a stable gate
kicked open by a horse - a word.
"Giddyap," I shout to love,
"Giddyap, giddyap".
And it tosses its mane
bearing on its back a pile of flame
it plundered from wayside bonfires.

Tr: Vivian Eden

 

 


 

 

In front of bird food packages in a Belgium supermarket

 

 

In front of bird food packages in a Belgium supermarket

There are no tweets on this shelf.
Full birds
do not chant.

Tr: Shirly Someck

 

 


 

 

Wordless